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Les statuts de Pamiers de 1212

Les statuts de Pamiers, adoptés le 1er décembre 1212 (il y a 800 ans, donc) par Simon de Montfort, constituent une importante pièce historique. Pourtant, trouver leur texte sur la Toile n'est pas une tâche évidente. La seule source accessible que j'ai pu trouver est la digitalisation d'un ouvrage de 1841 (Etudes Historiques et Documents Inédits sur l'Albigeois, le Castrais et l'ancienne diocèse de Lavaur, de Clément Compayré) qui contient l'original latin ainsi qu'une traduction française. Voir, par exemple, sur Gallica : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-28984 , page 496 et suivantes.

Suit la traduction française des statuts de Pamiers tirée de l'ouvrage de Clément Compayré. Le caractère antisémite de la Croisade Albigeoise apparaît très clairement à la lecture de l'article :

Nul croyant d'hérésie, quoique réconcilié, ne peut être prévôt, bailli, juge, assesseur du juge ou avocat, ni admis en témoignage. Il doit en être de même pour le juif ; celui-ci cependant pourra être entendu en témoignage contre un autre juif.

COUTUMES ÉTABLIES PAR SIMON DE MONTFORT POUR LE PAYS D'ALBIGEOIS , BÉZIERS , CARCASSONNE ET LE RAZÉS.

Nous commençons toutes nos entreprises et toutes nos actions au nom de notre seigneur Jésus-Christ ; c'est par lui, en effet, que nous avons été constitué en un grand siège de justice, afin de réprimer par nos soins et notre vigilance, tous les attentats contre Dieu, l'église romaine et la justice, de veiller au maintien de ce qui est prescrit et principalement pour détruire la perversité des hérétiques et mettre nu terme aux crimes des malfaiteurs. C'est pour atteindre ce but et tenir notre terre en paix, à l'honneur de Dieu, de la sainte église romaine et de notre seigneur le Roi de France, aussi bien que pour l'avantage de tous nos sujets, que nous Simon, comte de Leycestre, seigneur de Montfort, par la providence divine, vicomte de Béziers et de Carcassonne, seigneur de l'Albigeois et du Rasez, avec le conseil des vénérables seigneurs, l'archevêque de Bordeaux , les évêques de Toulouse, Carcassonne, Agen, Périgueux, Cousserans, Comminge et Bigorre; aussi bien que de savants jurisconsultes, de nos barons et autres notables, avons établi dans toute notre terre les coutumes générales suivantes, que nous voulons être par tous inviolablement observées. Lesquelles coutumes devront être maintenues et suivies par tous et partout, comme les privilèges et libertés des églises et des monastères octroyées de droit canon ou de droit humain.

- Nous défendons aux laïques de convertir les églises en forteresses ou de les soumettre à leur domination ; nous ordonnons que celles qui ont été fortifiées soient démolies ou conservées à la volonté des évêques. Toutefois ceux-ci ne devront point laisser subsister de pareilles fortifications dans des châteaux et villages appartenant à d'autres seigneurs.

- Nous voulons que toutes les prémices soient rendues sans aucune difficulté aux églises, suivant les coutumes établies en ce pays et que les dîmes soient payées, comme il est écrit et commandé par notre seigneur le pape.

- Nul clerc ne sera imposé à la taille, même pour cause d'héritage, à moins qu'il ne soit marchand ou marié. La même exemption aura lieu pour la veuve et pour l'indigent.

- Que nul marché ne soit tenu le dimanche et que ceux qui sont établis ce jour-là soient changés au jour que le seigneur de la terre et nous-mêmes aurons choisi.

- Si quelqu'un arrête un clerc en flagrant délit de crime , ou d'une autre manière, qu'il le mette sans retard, ne fût-il même que tonsuré, à la disposition de l'évêque, de son archidiacre ou de son délégué; s'il le retient , qu'il soit incontinent excommunié et contraint par son seigneur de le rendre.

- Que chaque maison de la terre conquise par le comte paie chaque année trois deniers tournois à notre seigneur le pape et à l'église romaine, pour perpétuer la mémoire que, par son aide, elle a été conquise sur les hérétiques et donnée ensuite à perpétuité audit comte et à ses successeurs. La levée de cet impôt aura lieu à partir du commencement du Carême jusqu'à Pâques.

- Nous défendons aux barons ou chevaliers de contraindre au paiement des tailles les gens d'église ou des maisons religieuses; nous entendons parler de ceux que, par donation ou concession des rois, des princes, seigneurs ou de toute autre juste manière, les églises et maisons ont librement possédés jusqu'à ce jour, exempts de toute exaction envers les seigneurs des terres ou villes où ils demeurent. Si leur possession a été interrompue par la malice des hérétiques ou par de médians seigneurs et que, par suite, des doutes à cet égard soient élevés, qu'une enquête soit faite sans délai, ou que la preuve soit aussitôt admise. Dans le cas où l'on découvrirait qu'il a été usé de violence, les seigneurs des châteaux ou villes doivent s'abstenir de toute exaction et taille.

- Nous voulons que tous les paroissiens aillent à leur église les dimanches et jours de fête pour y entendre la messe en entier et le sermon; de telle manière que si dans les dits jours de fête, des paroissiens quels qu'ils fussent, ne se rendaient point à l'église, quoique présents dans la paroisse et qu'ils ne fussent point retenus chez eux pour cause de maladie ou pour autre motif raisonnable, ils soient condamnés à payer six deniers de la monnaie ayant cours, dont la moitié appartiendra au seigneur de la terre et l'autre moitié sera partagée entre le prêtre et l'église.

- Que dans tous les villages où il n'existe point d'église et où l'on trouve des maisons d'hérétiques, la plus convenable de ces maisons soit donnée pour faire une église, et une autre au prêtre, pour son habitation. Si le village possède une église sans presbytère, qu'on donne au prêtre, à perpétuité, la maison la plus voisine de cette église.

- Quiconque permettra sciemment, soit pour quelque argent, soit pour autre cause, qu'un hérétique demeure dans sa terre, s'il l'avoue lui-même ou qu'il en soit convaincu, qu'il perde pour ce seul fait et à toujours toute sa terre et que sa personne soit mise à la disposition de son seigneur qui fixera lui-même le prix de la rançon.

- Il est permis à tout chevalier ou roturier de donner de son héritage en aumône jusqu'à la 5° partie, suivant l'usage et la coutume de France, exceptées toutefois les baronnies et forteresses, les droits d'autrui réservés, ainsi que ceux qui sont dus au seigneur sur les portions des terres possédées à titre de succession.

- Que dans les plaidoiries ou dans leurs jugements, les juges ne commettent aucune exaction, sous prétexte de quelque coutume ou à l'occasion d'avocats ou assesseurs; mais que la justice soit entièrement rendue sans frais et que la cour donne un avocat au pauvre qui n'en aura pas.

- Nul croyant d'hérésie, quoique réconcilié, ne peut être prévôt, bailli, juge, assesseur du juge ou avocat, ni admis en témoignage. Il doit en être de même pour le juif ; celui-ci cependant pourra être entendu en témoignage contre un autre juif.

- Nul hérétique vêtu et réconcilié ne pourra obtenir la permission d'habiter la ville où il exerçait cette perverse profession, mais il pourra s'établir hors de l'enceinte de cette ville, en tel lieu que le comte permettra.

- Les clercs et tous les religieux, les pélerins et les chevaliers ont la faculté de passer dans toute l'étendue de notre terre, francs et exempts de tous droits de péage, à moins qu'ils ne soient marchands.

- Les barons de France et les chevaliers sont tenus de suivre le comte partout où il sera en guerre pour la défense de sa terre conquise ou pour celle qui reste à conquérir, et ce avec le nombre de chevaliers pour l'entretien desquels le comte leur a donné des terres et des revenus. Ils ne seront cependant tenus de servir avec le nombre fixé de chevaliers, que dans le cas où les revenus leur auront été suffisamment assignés, suivant la promesse qui leur en a été faite; mais cette désignation faite, le baron et le chevalier seront tenus de servir le comte, ainsi qu'il est dit, tout le temps qu'il sera en guerre. Le chevalier à qui tous les revenus promis n'auraient pas été assignés ne sera point tenu de servir avec l'entier nombre de chevaliers. Le nombre d'hommes qu'il devra dans ce cas conduire au service sera proportionné aux revenus qui lui auront été assignés. Si le comte voulait, non pour la défense de sa terre, mais de son pur mouvement, secourir en guerre un ou plusieurs de ses voisins ou tous autres, lesdits chevaliers ne seront point tenus de le suivre à cette guerre, ni de le servir de leur personne ou de le faire servir, à moins qu'ils ne le fissent par amour pour lui et suivant leur bon plaisir.

- Les chevaliers français qui doivent service au comte, seront tenus de le servir avec des hommes de France et ils ne pourront avant vingt ans remplacer ceux-ci par d'autres de cette terre à leur service. Ce délai expiré, chacun pourra le servir avec les hommes propres au service qu'il trouvera sur sa terre.

- Les chevaliers qui auront obtenu du comte un congé pour retourner en France, ne devront y séjourner, à moins d'empêchement légitime, que jusqu'à l'époque fixée par le comte. Cependant le comte devra, après l'expiration de ce délai, les attendre encore pendant quatre mois. Dès ce moment il pourra, sans craindre de réclamation, s'emparer de leur terre et en disposer à son gré, à moins qu'ils n'aient pu prouver au comte qu'ils ont eu des motifs suffisants pour ne pas se rendre plustôt.

- Tous barons, chevaliers et autres seigneurs de la terre du comte sont tenus de mettre à sa disposition, quand il le voudra, soit en paix, soit en guerre, sans retard ou opposition, les châteaux et forteresses qu'ils ont reçus de lui. Le comte, à son tour, comme bon seigneur, les leur rendra dans le même état qu'ils lui auront été remis, sans diminution ni dommages, et dès que ses affaires seront terminées.

- Tous barons et gens de guerre, majeurs et mineurs, régulièrement convoqués sont obligés de se rendre ensemble aux grandes batailles et d'aller au secours du comte dans le cas où il serait assiégé ou qu'il appellerait l'arrière-ban. S'il était prouvé qu'un baron, chevalier ou autre seigneur de ladite terre ne fût pas venu au secours du comte en pareille circonstance, ses biens meubles seront confisqués au profit du comte ou du seigneur du lieu où il résidera, à moins qu'il ne donne des motifs suffisants d'excuse.

- Les barons, chevaliers et autres seigneurs tenus à la chevauchée envers ledit comte, qui ne se seraient pas rendus, quoique convoqués pour le délai de quinzaine, au lieu assigné par le comte pour la formation de son armée, ou qui, dans ladite quinzaine, ne se seraient pas mis en route, perdront pendant une année la cinquième partie des revenus de la terre qu'ils tiennent du comte ; ces revenus seront confisqués au profit du comte à titre d'amende, à moins d'excuse légitime. S'ils y viennent, mais qu'ils ne soient pas accompagnés du nombre de gens de guerre assigné, ils payeront double solde pour chaque homme absent et pendant tout le temps que durera leur absence. Les barons et chevaliers indigènes encourront la même peine, s'ils ne rendent pas au comte le service qu'ils lui doivent.

- Il est interdit à tout habitant de la terre du comte soumis à son autorité et à sa puissance, de fortifier de nouveau, sans son consentement, aucune place, ou de reconstruire des forteresses démolies.

- Les chevaliers indigènes qui étaient catholiques et qui ont persévéré dans la foi catholique doivent, soit à leurs seigneurs, soit au comte, le service militaire auquel ils étaient tenus envers les seigneurs du pays avant l'arrivée des croisés. Ceux, au contraire, qui ont été croyants d'hérésie ne devront le service que lorsqu'ils en seront requis par le comte ou les barons.

- Nul ne peut être déclaré croyant des heretiques ou même hérétique que par le jugement des évêques et des prêtres.

- Que nul baron, chevalier ou autre seigneur, possesseur dans ce pays d'une terre concédée par le comte, ne puisse exiger au-delà de la taille établie et confirmée par lettres des seigneurs et du comte, soit sous le nom de taille, de quête, soit sous tout autre prétexte, excepté toutefois les censives et revenus des terres, vignes, maisons, droits de justice et autres. Car la taille établie par le comte a été arbitrée et constituée pour toute autre taille, soit quête, soit amende, et il est défendu de rien prélever au-delà ou de l'exiger par violence de qui que ce soit. S'il est prouvé que quelqu'un a perçu au-delà et que des plaintes soient élevées à cet égard , le comte devra envoyer un commissaire au lieu, ou bien au seigneur du lieu où cette exaction aura été commise, afin de contraindre le seigneur à restituer ce qu'il aura perçu au-delà du taux arrêté par la charte, laquelle il sera tenu d'observer.

- Il sera loisible à tous les hommes taillables de s'affranchir à leur gré de la domination d'un seigneur, pour passer sous celle d'un autre seigneur, à la charge cependant que ceux qui sont de condition libre pourront jouir de cette faculté en prenant leurs biens meubles et en laissant à leur précédent seigneur leurs biens immeubles qu'ils tiennent de lui ou d'autrui. Quant à ceux qui sont appelés hommes propres ou serfs, qu'ils puissent changer de seigneurie, en laissant au seigneur qu'ils quittent leurs biens meubles et immeubles, de manière que ce seigneur ne puisse leur rien demander en quelque lieu qu'ils soient établis, pour raison de meubles, quête ou autres droits; cependant ils ne pourront se mettre sous la domination de clercs ou gens d'église que tout autant que ceux-ci y auraient consenti et qu'ils en auraient informé par lettres le comte et les barons.

- Nul ne peut être mis ou retenu en prison, s'il peut produire des cautions suffisantes qui répondront de lui jusqu'à ce qu'il se présente devant la justice ;

d'un autre côté les seigneurs ne devront recevoir gages ou cautions de leurs vassaux qui voudraient se soustraire à leur domination, dans la forme déjà indiquée.

- Nous voulons que suivant l'antique coutume des terres et villes de ce pays, les seigneurs exigent de leurs vassaux les corvées pour leurs travaux, et que, selon la même coutume, ils leur fournissent des aliments.

- Si les sujets des princes et seigneurs de ce pays étaient trop grevés par des tailles ou des exactions et qu'ils s'en plaignissent au comte, celui-ci devrait engager les seigneurs et les chevaliers à conserver les tailles et autres exactions à un taux suffisant et raisonnable ; et s'il le jugeait convenable, il pourrait les y contraindre , afin que les vassaux ne fussent point grevés, outre mesure, par la trop grande malice des seigneurs.

- Les habitants des villages jouiront des droits d'usage dans les bois, sur les eaux et les pâturages, comme ils en ont joui depuis trente ans jusqu'à ce jour. S'il survenait des différents à ce sujet entre le peuple et le seigneur, que celui qui est en jouissance y soit maintenu jusqu'à ce que la vérité ait été établie par le serment des anciens de la terre ou de toute autre manière.

- Nul homme ne peut être arrêté pour dettes envers son seigneur à moins qu'il ne soit caution ou débiteur.

- Nul baron ou chevalier, bourgeois ou paysan ne pourra engager ou prendre par violence les biens d'autrui. Celui à qui il aura été fait injure ne devra point en tirer vengeance sans l'autorisation de son seigneur, auquel il doit porter sa plainte. Ceux qui contreviendraient à ces dispositions et qui en seraient convaincus ou qui le confesseraient, paieraient une amende à leur seigneur pour les choses dont ils se seraient emparés ; savoir : le baron 20 livres; le chevalier 10 livres; le bourgeois cent sous; le paysan 20 sous; et de plus ils seront tenus de restituer, d'après l'ordre du seigneur tout ce qu'ils auront pris , à celui auquel il aura été fait tort, et de l'indemniser des dommages qu'il aura pu souffrir. Celui qui se sera ainsi vengé payera, outre l'amende à son seigneur, soixante sous à celui contre lequel il se sera vengé, après restitution de ce qui aura été pris, et paiement des dommages. Il faut excepter, cependant les cas où il est permis à chacun de repousser la force par la force.

- Il est expressément défendu aux barons, chevaliers, bourgeois ou paysans de se liguer par foi ou serment et sous prétexte de confrérie ou société de bienfaisance, sans le consentement et l'expresse volonté du seigneur du lieu. S'il est prouvé que quelques-uns aient conjuré contre leur seigneur, que leurs personnes et leurs biens soient mis sous sa main et à sa disposition ; si la conjuration n'a pas eu lieu contre le seigneur, mais seulement au préjudice de quelques autres, ceux qui en seront convaincus ou qui en feront l'aveu , payeront chacun: 10 livres, s'ils sont barons; cent sous, s'ils sont simples chevaliers; soixante sous, s'ils sont bourgeois; les paysans, 20 sous. Sont exceptés de cette peine les négociants ou voyageurs qui se liguent entr'eux par serment dans l'intérêt d'une société commerciale.

- Quiconque sera convaincu d'avoir porté des vivres ou autres choses ou conduit des hommes à Toulouse ou à d'autres ennemis du Christ et du comte, perdra pour ce seul fait son héritage à toujours avec ses autres biens et il sera lui-même mis sous la main et à la disposition du comte. Les hommes et les choses prises en telle circonstance appartiendront à celui qui les aura saisis sans aucune diminution ou réclamation.

- Celui qui pourra arrêter dans la terre du seigneur des ennemis de la foi ou du comte et qui ne le fera pas, si la chose est prouvée, sa terre sera confisquée et sa personne sera sous la main et à la merci du comte. Il en sera de même de celui qui les aura vus et n'aura voulu ni les poursuivre en bonne foi, ni le faire savoir suivant la coutume du pays.

- Les boulangers feront et vendront le pain de la manière et au poids prescrits par le seigneur. En cas de contravention à cette disposition, le pain sera confisqué. Il en sera de même pour les taverniers.

- Les femmes publiques seront, dans toutes les villes, placées hors des murs d'enceinte. Les péages institués par des princes ou autres seigneurs, depuis trente-quatre ans et au dessous, seront abolis sans retard.

- Les possessions tenues en fief ne seront ni données, ni vendues au préjudice du seigneur.

- Que les censives soient payées aux seigneurs, aux termes fixés, et dans leurs maisons. Ceux qui ne les solderont pas, aux termes fixés, seront tenus de payer au seigneur pour chaque terme échu, cinq sous d'amende ; s'ils se permettaient de laisser passer trois ans sans payer les censives, le seigneur pourrait, sans craindre de réclamation, donner leur terre à un autre ou bien la vendre. Dans le cas où il la garderait à sa disposition , il serait tenu de la rendre, si le tenancier offrait de lui payer, comme il a été dit, cinq sous d'amende pour chacun des termes échus pendant trois ans.

- Nous voulons que, tant entre les barons et les chevaliers, qu'entre les bourgeois et les paysans, les droits de successibilité sur leurs biens soient établis suivant la coutume et l'usage de France près Paris.

- Que nul baron, chevalier ou tout autre n'accepte le duel en sa juridiction pour tout autre cause que pour trahison, vol, rapine ou meurtre.

- Le comte est tenu d'observer à l'égard de ses barons de France et de ceux à qui il aura donné des terres en ce pays, les mêmes usages, les mêmes coutumes que celles qui sont suivies France près Paris, dans les plaids, jugements, concessions de fiefs, partages de terre.

- Les dots des femmes reviennent à leurs héritiers naturels et elles peuvent faire leur testament, si elles le désirent.

- Les femmes des traîtres et ennemis du comte, quoiqu'elles soient catholiques, quitteront la terre du comte, afin qu'aucun soupçon ne s'élève contre elles. Elles recevront les terres et revenus de leur dot, en prêtant le serment qu'elles n'en feront point part à leurs maris, tout le temps qu'ils resteront en guerre contre la chrétienneté et le comte.

- Les veuves des grands seigneurs, ou des femmes nobles héritières, ayant forteresse et châteaux ne pourront se marier avec des indigènes, avant un délai de dix ans, sans la permission du comte, afin d'éviter le péril qui pourrait en advenir ; mais il leur sera permis, sans avoir besoin d'autorisation du comte ou de tout autre, de se marier à tels français qu'elles voudront. Après le délai de dix ans, elles pourront se marier indifféremment avec des indigènes ou avec des français.

Moi Simon, comte de Leycestre, seigneur de Montfort, par la providence divine vicomte de Béziers et de Carcassonne, seigneur d'Albigeois et du Razès, ai promis par serment de maintenir en bonne foi ces coutumes générales; tous mes barons ont pareillement juré de les maintenir, sauf amendements et améliorations de la sainte église et de nos barons, sauf aussi les conventions, les privilèges concédés, les serments prêtés en certains lieux et toutes autres coutumes à établir qui ne seraient pas contraires aux présentes.

Fait à Pamiers, en notre palais, l'année de l'Incarnation mil deux cent-douze et le ler jour du mois de décembre.

(fin de la version française des statuts de Pamiers publiée par Clément Compayré dans Etudes Historiques et Documents Inédits sur l'Albigeois, le Castrais et l'ancienne diocèse de Lavaur, 1841)        *

L'une des raisons principales de la Croisade résida, précisément, dans les droits civiques accordés aux Juifs dans ce que l'on appelle actuellement le « Midi de la France » et dans la Couronne d'Aragon.